Comme promis, voici la suite (mais non la fin!) de notre épisode consacré à la méconnue, mais passionnante, pédagogie Charlotte Mason. Avez-vous écouté le premier, où nous avons abordé les grands principes de cette approche? Aujourd’hui Annie et Fannie (créatrices et hôtes du podcast Un festin d’idées) nous présentent quelques aspects et outils incontournables de la pédagogie Charlotte Mason. C’est un épisode riche en informations et en idées, qui peuvent être appliquées aussi bien en instruction en famille qu’en classe. N’hésitez pas à partager largement cet épisode et ce billet: cette pédagogie gagne à être connue!
Pour nous écouter, c’est par ici:
Avant de commencer, nous vous rappelons que la liste des 20 principes de la pédagogie Charlotte Mason a été traduite par Fannie et Annie ; vous pouvez les retrouver ici ! Et vous pourrez retrouver notre épisode consacré à l’organisation des familles choisissant d’instruire leurs enfants en suivant cette pédagogie en cliquant ici.
« Living books » ou livres vivants
Selon le principe 13, l’esprit a besoin d’idées pour être nourri, et les idées doivent être découvertes en contexte ; cela est valable pour toutes les matières abordées. Rien de mieux pour cela que de découvrir ces idées dans un livre ! Un livre vivant doit être intéressant, narratif, va allumer une étincelle de vie dans notre esprit : romans, biographies, livres d’histoires, plutôt que manuels scolaires traditionnels où les listes de faits sont extraites de leur contexte. L’anagrame proposé par « A delectable education », podcast anglophone consacré à Charlotte Mason, est le suivant :
Livre qui a un haut standard littéraire
Imagination : créé des images dans notre esprit
Vertu : incite à la vertu, avec un côté moral (attention : pas moralisateur !), où les personnages voient les conséquences de leurs actes.
Idées : ces livres véhiculent des idées
N : narratifs principalement – mais pas uniquement (en sciences, il peut arriver qu’un ouvrage ne le soit pas)
Générationnel : livres qui passent le test du temps, qui peuvent être lus avec autant de plaisir par une personne âgée que par un enfant.
Les « choses »
Il n’y a pas que les living books dans la pédagogie CM ! Elle pensait aussi que notre environnement et ce qu’il contient étaient essentiels. Les « choses » représentent par exemple tout ce qui nous entoure et avec quoi on peut développer une relation. Ainsi par exemple, les obstacles naturels peuvent nous inciter à escalader, nager, marcher… Il peut aussi s’agir de matériel à manipuler (bois, argile, laine) ; d’animaux ; d’objets d’art ; d’équipement scientifique (cartes, globes, objets naturels pour comprendre la géographie physique) ; de grilles et tableaux pour comprendre l’histoire ; et de tous les notebooks (livres des siècles, carnets de nature). Pour CM tout doit être appris en contexte, et ces “choses” aident à garder les idées en contexte.
La narration
Celle-ci est abordée dans le principe 14. La narration consiste à raconter ce que l’on vient de lire et étudier ; à manipuler la connaissance nouvellement acquise pour la faire sienne. Il ne s’agit certainement pas d’apprendre par cœur, mais de s’approprier l’information. Après avoir lu (ou fait lire) un passage à l’enfant (assez long pour qu’il ne puisse être retenu par cœur), on lui demande : « dis-moi ce que tu viens d’entendre, avec tes propres mots. »
En « narrant », un enfant utilise son propre vocabulaire, fait appel à ses propres connaissances antérieures pour créer des relations entre les idées. Comme il est presque impossible de raconter une liste de faits sans âme, la narration ne peut se faire qu’en utilisant des living books. Avant la quatrième année (CM1) , la narration se fait à l’oral ; après on passe graduellement à l’écrit en s’adaptant à l’enfant.
Plusieurs avantages à pratique de la narration :
- La narration développe de bonnes habitudes chez l’enfant : l’écoute, la concentration, la mémorisation, puisque le texte ne sera lu qu’une seule fois. Il vaut mieux que de temps en temps l’enfant perde le fil, plutôt que de se faire aider : mieux vaut développer l’attention que la connaissance exacte de chaque fait de la lecture.
- L’enfant qui a du mal à lire ou écrire sera quand même nourri intellectuellement, puisqu’on lui lira ces ouvrages et qu’il devra faire l’effort de les travailler.
- La narration prend la place d’un cours de composition. On apprend d’abord à structurer ses idées et à les communiquer verbalement, ainsi plus tard on saura plus facilement les mettre par écrit.
- La narration prépare l’enfant à parler en public.
- Elle remplace aussi les questions de compréhension, puisqu’on a accès directement à ce qu’il a appris. La narration est une porte ouverte sur sa pensée, sur l’impact que la lecture a sur lui.
Le livre des siècles
A partir de 10 ans, on propose à l’enfant un cahier dans lequel chaque double page est consacré à un siècle (un côté pour écrire, un autre pour dessiner). L’enfant utilise ce qu’il apprend et a appris et choisit, pour chaque siècle, ce qui va figurer sur son cahier (en suivant ses intérêts, par exemple en dessinant les costumes de cette époque, ou les inventions…). Ainsi chaque livre des siècles est unique ! C’est le recueil de ce qui nous a touché au fil de nos lectures, les connexions que nos esprits vont avoir fait et qu’on va jeter sur le papier. Au fil du temps le livre se remplit ; l’enfant revient à une époque pour ajouter un fait, et créé des connexions avec ce qu’il avait dessiné précédemment. Le livre des siècles devient son compagnon de lecture. L’information peut être trouvée dans les livres, les journaux, pendant une visite au musée… Le but étant de former des apprenants à vie, le livre des siècles a vocation à accompagner un être toute sa vie, et à continuer d’être rempli au fil de l’âge adulte !
Le carnet de nature
Il s’agit en fait d’un cahier d’observation : l’enfant observe quelque chose avec attention, puis le dessine avec détails et note à côté ce qu’il a appris. Ce peut aussi être une narration (relevé de faits météorologiques, récit d’une sortie, comportement des animaux, description des parties d’une plante…). Libre à l’enfant de le faire à son goût ! Cette observation intentionnelle crée des liens entre la nature et l’enfant, qui remarque et s’attache à ce qu’il a pu observer.
La proximité avec la nature est essentielle pour Charlotte Mason. Elle permet de prendre une pause, de se détendre ; elle offre la possibilité d’appréhender la géographie et les sciences sur le terrain, de voir les choses en contexte : la neige qui fond et se transforme en eau, le relief du terrain… Pas besoin d’aller loin, dans notre propre quartier on peut trouver des merveilles !
Art
Lors de notre premier épisode, nous avions mentionné l’importance pour Charlotte Mason que chaque individu, quel que soit son milieu social, ait accès à une éducation riche. La pratique et l’exposition à l’art sont donc essentiels. Chaque jour, on écoute une poésie, sans la décortiquer, juste pour le plaisir ; chaque trimestre, on étudie un compositeur (en écoutant et comparant ses œuvres, en lisant une biographie…) et un peintre. L’art se pratique généralement l’après-midi, selon les intérêts de l’enfant.
Annie et Fannie pratiquent l’instruction en famille au Québec, où cette option est légale depuis 1987. Annie, mère de deux enfants dont l’aîné a maintenant 12 ans, s’est plongée dans les ressources en anglais sur Charlotte Mason lorsqu’elle a décidé qu’elle ne scolariserait pas ses enfants. Quelques temps après, elle rencontre Fannie, maman de deux filles âgées aujourd’hui 5 et 7 ans et titulaire d’un diplôme universitaire en enseignement. Fannie, séduite par le mode de vie d’Annie, commence elle aussi à se pencher sur la pédagogie Charlotte Mason. Toutes deux bilingues français-anglais, elles ont facilement accès aux très nombreuses ressources anglophones sur le sujet, mais elles ont conscience du manque de connaissance des francophones sur cette pédagogie. Elles lancent alors le podcast et le blog Un festin d’idées, dans lequel elles partagent généreusement le fruit de leurs recherches et de leurs réflexions sur la pédagogie Charlotte Mason.
La semaine prochaine, nous retrouverons Annie et Fannie pour terminer avec elles notre exploration de la pédagogie Charlotte Mason. En attendant n’oubliez pas d’aller visiter leur blog et d’écouter leurs épisodes de podcast !
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