Rencontre avec Lola: éducation, confiance et liberté (épisode #8)

Entre quatre murs de pierres blanchis à la chaud, dans une maison au charme fou perdue au milieu des champs, j’ai rencontré Lola qui faisait là étape sur sa route des écoles. Cette jeune enseignante brillante et culottée a tout quitté pour apprendre de ses collègues en observant leurs pratiques. Sa réflexion touche à l’essence même de l’éducation, acte politique fondamental puisqu’il déterminera l’avenir même de notre société. Si vous souhaitez nous écouter, c’est par ici ! 

De quoi avons-nous parlé ?

Lola Briquet est une enseignante 23 ans qui a enseigné deux ans dans l’Education Nationale avant de partir visiter des écoles et lieux collectifs qui proposent une autre vision de l’éducation. Démarré en septembre 2018, son périple l’a jusqu’à présent amenée en France, en Belgique, en Angleterre, en Irlande et en Espagne.

education et liberté

Lola était une excellente élève, parfaitement adaptée au système scolaire, mais qui s’y ennuyait. Sa vocation d’enseignante lui est venue à 17 ans, en lisant Le rouge et le Noir de Stendhal ( !). Elle se met alors à lire beaucoup sur le sujet, et commence à visiter des classes avant de passer son concours, car elle a besoin d’observer pour apprendre. A 18 ans, dans le cadre d’une de ces visites, elle découvre la pédagogie Freinet qui la fascine.

Quelques années plus tard, elle décide de compléter son apprentissage d’enseignante en allant observer d’autres écoles. Son objectif premier : aller trouver de l’inspiration dans les projets des autres. Elle a besoin de prendre le temps de réfléchir à sa pratique, et constate que dans les premières années d’enseignement on se pose beaucoup de questions auxquelles on n’a pas le temps de répondre : qu’est-ce que l’éducation, quel est son sens? Peut-on penser le rapport entre éducation et liberté ? Une autre école peut-elle créer une autre société ? Pour nourrir sa réflexion elle choisit de visiter des écoles aux pratiques pédagogiques très variées.

Les phrases qui font réagir

J’ai joué à l’avocat du diable avec Lola, et voici le fruit de nos échanges :

  1. « L’école traditionnelle fonctionnait mieux ! » Pour Lola, cette affirmation est basée sur une vision de l’éducation où le rôle de l’école était de transmettre des savoirs et de former à un métier. Or aujourd’hui il est plus difficile de trouver un métier, et on ne sait pas lesquels existeront dans 20 ans. Si on réduit la dimension de l’éducation à un enjeu économique, on oublie la dimension émancipatrice que doit avoir l’éducation.  Mieux vaut penser en terme d’épanouissement plutôt qu’en terme de compétences et de connaissances à acquérir.
  • « L’école a beaucoup changé ! » Rien de plus faux, selon Lola. Les méthodes dans le fond sont restées les mêmes : les enfants apprennent la même chose en même temps, suivent un emploi du temps déterminé par quelqu’un d’autre, sont évalués tous en même temps sur les mêmes notions, et ces évaluations permanentes sont la motivation de l’apprentissage. Il y a beaucoup de devoirs, de leçons à apprendre par cœur. La forme a quant à elle un peu évolué. On parle de citoyenneté et d’autonomie dans les programmes, mais dans l’idée même de programme il n’y a pas de place pour l’autonomie. On parle de citoyenneté, qu’on apprend au travers de leçons au lieu de la vivre. 
  • « Les pédagogies alternatives ça coûte cher, c’est pour les privilégiés. » Le financement des écoles alternatives est un problème central. Dès qu’on a besoin d’autonomie pour aller plus loin dans l’application de la pédagogie, il faut ouvrir une structure privée, qui s’adresse aux familles qui ont les moyens. On peut espérer que le travail accompli par les écoles privées fasse évoluer les mentalités, mais le système public n’est pour le moment pas intéressé par la libération de l’apprentissage (cf. l’expérience de Céline Alvarez)

Une école idéale

Dans son école idéale, Lola aimerait bien mettre en place les fonctionnements suivants, inspirés entre autre des écoles démocratiques: on ne suivrait pas une méthode unique, car on ne peut pas universaliser l’apprentissage. Les enfants seraient libres d’apprendre ce qu’ils veulent. Et comme l’apprentissage est naturel, puisque les enfants sont pré-câblés pour apprendre, ils vont apprendre à lire, à écrire, de la même façon qu’ils ont appris à parler, à marcher, simplement en vivant et en grandissant dans un environnement riche. Elle abandonnerait toute attente, essaierait d’oublier ses peurs. Elle a pu observer de visu que laisser libre l’apprentissage des enfants, ça fonctionne. Quand on leur fait confiance et qu’on les laisse tranquille, ils apprennent ! Pas besoin d’évaluation, de leçons collectives, de programmes, qui ne font que rendre l’apprentissage obligatoire, et par conséquent vite oublié. Ils apprendront bien mieux si leur motivation est intrinsèque.

Cette école devrait être créée par les enfants ; ses membres se mettraient d’accord sur le fonctionnement, mais ce serait une création collective. Elle offrirait un environnement riche (matériel à disposition, livres, jeu, sciences, art, ordinateur, jardin, en libre accès), et serait ouverte sur le reste du monde. Liberté et responsabilité seraient pratiquées quotidiennement ; les règles pour vivre ensemble seraient déterminées par tous les membres de la communauté, selon un principe d’autogestion, où chaque membre aurait le même statut et où les décisions se prendraient démocratiquement.

Il reste encore à Lola un peu plus d’un an à voyager. Localisée en Espagne lors de notre interview, elle s’apprêtait à visiter le sud de la France, Budapest, l’Ukraine, avant de rejoindre les Etats-Unis, le Canada, et puis peut-être l’Amérique Latine. Réfléchir à l’éducation amène à des sujets très vastes et ouvre les champs de réflexion : elle souhaite, en plus des écoles, visiter des lieux collectifs auto-gérés.

Quelques ressources pour aller plus loin 

Sur la pédagogie Freinet

L’œuvre complète de Célestin Freinet

Film « C’est d’apprendre qui est sacré »

Sur les écoles démocratiques : Libre pour apprendre de Peter Gray

Ces écoles qui rendent nos enfants heureux d’Antonella Verdiani

Le film Alphabet, d’Erwin Wagenhofer

Le film  Etre et devenir de Clara Bellar

Et je ne suis jamais allé à l’école d’André Stern

Vous pouvez suivre les aventures de Lola sur son site Internet aux articles foisonnants d’information, sur sa page Facebook et sur Instagram.

N’oubliez pas, si vous aimez voyager, d’écouter l’épisode consacré aux aventures de Coralie et Claire, deux enseignantes parties en février 2019 faire le tour du monde des écoles. Deux projets en apparence similaires, mais finalement très différents, qui ouvrent des horizons!

Quant à nous, on se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode du podcast des Petits Pas ! A bientôt 🙂

4 réflexions sur “Rencontre avec Lola: éducation, confiance et liberté (épisode #8)”

  1. Merci pour ce bel épisode ! Dans le podcast, Lola dit que ça lui a été facile de trouver les écoles “alternatives” car il y a des sites dédiés et des cartes. Pouvons-nous avoir les liens de ces écoles ?
    Je serais intéressée mais pour des écoles publiques tournées vers ces méthodes, dur de trouver…
    merci beaucoup

  2. Editions des Petits Pas

    Merci beaucoup pour votre commentaire! Je transmets votre question à Lola. Par ailleurs n’hésitez pas à visiter le site de Lola, où elle répertorie les écoles qui l’ont accueillie. Cela vous donnera déjà une idée!
    A bientôt 🙂

  3. Ping : Eductrice spécialisée et ATSEM Montessori (épisode 3)

  4. Editions des Petits Pas

    Voici la réponse de Lola: “Voici la liste des réseaux où elle trouvera des écoles : arbustes.net (Freinet), Eudec (démocratiques) + il y a une liste des écoles référencées Steiner et Montessori sur le site officiel de chacun. Par contre à part sur arbustes la plupart sont privées.”

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